Affaire de la dioxine
de l'incinérateur
de Gilly-sur-Isère

Pierre Ivanes

Historique

retour à la page d'accueil du site

Pierre Ivanès, environnement, écologie et déchets : la pollution à la dioxine de l'incinérateur (UIOM) de Gilly-sur-Isère, Albertville, Savoie. Historique

Lors de sa fermeture en octobre 2001, on a beaucoup parlé, au niveau local, et national, de "l'affaire" de l'incinérateur de Gilly-sur-Isère, dont l'analyse des dioxines démontrait une pollution majeure. Mais l'éclairage quasi exclusivement centré sur la catastrophe sanitaire, le drame vécu par les agriculteurs, l'inquiétude des mères allaitantes... a éclipsé l'analyse des faits antérieurs à cette crise "soudaine", constat qui était pourtant indispensable pour comprendre comment on avait pu en arriver là, et pour pouvoir retracer les pollutions cumulées sur le site, et les responsabilités.

Or je suis bien placé, comme acteur et témoin direct, pour expliquer que la crise n'est pas sortie de rien, le jour d'une parution soudaine d'analyses inquiétantes : je luttais depuis dix ans, à partir de 1992, et de façon continue depuis 1997, contre la pollution du site, en tentant de sensibiliser les riverains, les élus locaux, les responsables de l'incinérateur et les pouvoirs publics, à coup de courriers (régulièrement explicités aux médias), de réunions publiques, de conférences, tout d'abord dans le cadre de mon association locale, Bien Vivre à Grignon, ensuite au sein de la section savoyarde de la FRAPNA (Fédération Rhône Alpes de Protection de la Nature), et en fédérant d'autres associations savoyardes dans des Collectifs Associatifs pour une meilleure gestion des déchets.

Autant je me réjouissais de voir enfin révélées au grand jour les pollutions du site, la population s'indigner et s'organiser pour exiger des explications et une réparation des préjudices subis, toutes choses pour lesquelles je me suis battu toutes ces années (en me sentant souvent très seul !), autant j'ai dû déchanter devant les exagérations (et parfois jusqu'à la démesure : on a évoqué un deuxième SEVESO), les contre-vérités, les tentatives de récupération politique, tellement répétées ensuite qu'elles ont encore cours aujourd'hui.

Quelques études (Ministère de l'Environnement, InVS, Union Européenne) ont paru plus tard, plus détaillées et rigoureuses sur le sujet de l'incinérateur de Gilly-sur-Isère, cas devenu emblématique des débats sur l'incinération, le principe de précaution, la surdité des responsables devant les lanceurs d'alerte que sont les associations. Mais la grande majorité de la population n'y a pas eu accès, et malgré le sérieux de ces recherches, je n'y retrouve pas la réalité de mon travail inlassable.

Je souhaite donc expliquer ce que j'ai directement vécu de 1992 à aujourdh'ui, et revenir sur des faits encore inconnus aujourd'hui de nombreux savoyards


L'affaire de l'incinérateur de Gilly-sur-Isère a fait l'objet de nombreuses plaintes, une information judiciaire a été ouverte en juin 2002, et arriverait maintenant à son terme, après 8 années d'instruction et de procédures : voir le VOLET JUDICIAIRE dans la rubrique suivante.

L'épisode judiciaire actuel, qui ne s'intéresse qu'aux années 1994-2001 (en raison du nouveau code de procédure pénale de 1994) fait hélas oublier que la pollution de l'incinérateur, et notamment la plus grave, est bien plus ancienne.

Les pollutions, générées par 2 incinérateurs successifs sur le même site, ont gravement touché l'environnement immédiat (air - eau - sol).

Pour une compréhension plus aisée des pollutions qui ont duré en réalité 30 ans, de 1971 à 2001 (voir chronologie ci-dessous), il faut distinguer deux périodes de pollutions :

  • Celle de la première UIOM (1971-1985), caractérisée par des résidus d'incinération maximaux (mâchefers et cendres volantes)
  • Celle de la seconde UIOM (1986-2001), normalement moins polluante (équipée d'un filtre des poussières émises)

Ensuite, à la fermeture de l'UIOM en 2001, suit une période de "dépollution" (2002 - 2009)(voir chronologie ci-dessous), que je qualifierais plutôt de “réhabilitation contestable”.

Enfin, une conclusion (voir ci-dessous), qui amènera au volet judiciaire.


LA PERIODE DE POLLUTION DU SITE DE GILLY-SUR-ISERE
(1971 - 2001)


Année 1992

En mai 1992, confronté avec d'autres habitants du vieux centre de Grignon (village situé près d'Albertville dans la combe de Savoie) à une menace d'expropriation par la municipalité qui souhaite construire des immeubles en partie sur nos terrains, nous créons l' association Bien Vivre à Grignon, dont je suis président - fondateur.

Je m'inquiète ensuite de la teneur des fumées noires émises par l'Usine d'Incinération des Ordures Ménagères (UIOM) de Gilly-sur-Isère, située en limite de commune, dont se plaignent des riverains. S'ensuit un premier échange de courrier en novembre avec le gestionnaire de l'usine (le SIMTOM/SIMIGEDA) : voir la lettre que j'ai écrite pour Bien Vivre à Grignon le 24 novembre 1992, et la réponse du SIMTOM de décembre 1992. Il en ressort au final que l’UIOM de Gilly est en retard pour être en conformité avec la réglementation française.

Cet incinérateur fait partie des usines de capacité inférieure à 6 t/h (0,9 t/h pour la première UIOM, 3,9 t/h pour la seconde), pour lesquelles la réglementation est moins contraignante. Pendant les années 1990, La France applique sa propre réglementation. A cette date, l'UIOM aurait dû être en conformité avec l’arrêté du 25 janvier 1991, mais celui-ci prévoit son application en trois étapes (1992, 1995, 2000) : voir le résumé sur la réglementation.


1994 :

En juillet 1994 paraît, demandé par le SIMTOM d'Albertville, le rapport de l’hydrogéologue Jean-Paul Rampnoux : il précise l’état des lieux du site de Gilly avec clarté et précision.

La Savoie a adopté un Plan Départemental d'Elimination des Déchets (PDED) ménagers et assimilés, qui prévoit de construire un nouveau four de capacité supérieure à 6 t/h.


1996 :

Bien Vivre à Grignon est agréée pour la protection de la nature et de l’environnement, et l’amélioration du cadre de vie (arrêté préfectoral du 26 mars 1996).


Années 1997 - 1998 :

Je me consacre complètement à la question des déchets. Commencent pour moi des années d'études, dans le domaine de la chimie qui était le mien (molécules de dioxines, furannes, métaux lourds...), mais aussi celui de la gestion des déchets (déchets ménagers, industriels...), des normes et réglementations (française et européenne, voire internationale)... Le sujet est vaste, et complexe, évolue constamment avec les connaissances scientifiques et les normes.

En dehors de l'aspect passionnant - mais très prenant - de ces recherches, je constate vite l'intérêt qu'il y a à avoir des connaissances pointues : les "experts" et autres spécialistes désignés, qui pourraient être tentés de survoler la question devant le grand public, voire de réduire la gravité des pollutions supposées, le font moins quand on les interpelle en maîtrisant le sujet sur le plan scientifique. Et, surtout, il est bien beau de dénoncer les émissions de dioxines (et autres molécules moins connues), encore faut-il savoir ce dont on parle précisément.

En août 1997, j'envoie au SIMTOM/SIMIGEDA une première approximation des niveaux de pollutions générées par l'incinérateur, en concluant au sujet des dioxines : "A notre connaissance, aucune analyse, tant en sortie de cheminée de l’UIOM de Gilly qu’en dehors (analyses d’échantillons de terre ou d’eau) n’a été effectuée depuis 1967 jusqu’a aujourd’hui sur le site (et encore moins sur des échantillons d’aliments susceptibles d’être pollués dans la zone, sans parler bien sûr d’études épidémiologiques)"

Le SIMTOM d’Albertville a pris la décision (juin 1997) - à l’unanimité - d'accepter l’usine d’incinération de 60 000 t/an prévue dans la Combe de Savoie par le PDED de janvier 1994, soit le triple de la capacité actuelle (voir en conclusion). Cette décision marque vraiment le début d'un travail intense pour sensibiliser la population, les responsables et les élus aux questions de santé que soulèvent l'incinération. Je décide de fédérer d'autres associations autour de la révision de ce Plan Départemental.

Je suis initiateur puis coordinateur jusqu’en 2002 du Collectif Associatif Tarentaise – Bassin Albertvillois (CATBA) puis du Collectif Associatif de Savoie (CAS) pour une meilleure gestion des déchets, qui regroupe, avec la FRAPNA - Savoie un ensemble d’associations du département. Voir la liste des associations des Collectifs (janvier 2001)

En octobre 1997, je réussis à faire insérer dans le bulletin municipal de Grignon un article sur l'incinération des déchets ménagers. J'y insiste sur l'objectif à atteindre d'un maximum de 50% d'incinération (ce que fera la circulaire Voynet (voir réglementation) en avril 1998). Le moins qu'on puisse dire est qu'il ne suscite aucune réaction du conseil municipal, et notamment du maire de Grignon, qui ne se montre pas du tout intéressé par le sujet des déchets (à comparer avec ce qu'il en dira plus tard, et que je commente dans le volet judiciaire).

J'échange de fréquents courriers, soit au nom de Bien Vivre à Grignon soit au nom du Collectif Associatif Tarentaise – Bassin Albertvillois (CATBA), soit au nom du Collectif Associatif de Savoie(CAS) avec des élus locaux et avec le SIMIGEDA, avec souvent copie aux pouvoirs publics, y compris nationaux.

Voir notamment le courrier aux trois Présidents d'UIOM de Tarentaise d'avril 1998 (PDF), où, pour le Collectif CATBA, je réclame une mise aux normes européennes, et des analyses.

Le courrier à l'ADEME d'octobre 1998 (PDF),

Le courrier au Préfet et au Président du Conseil Général d'octobre 1998 (PDF).

En décembre 1998, le comité syndical du SIMTOM renonce enfin à tripler la capacité de l'UIOM


1999-2000 :

Je participe activement aux travaux de la commission départementale de révision du Plan Déchets de Savoie (voir en conclusion). Cette commission, présidée par le Préfet, compte 39 membres. 18 représentent les élus, et 5 les associations : 4 pour la FRAPNA-Savoie - mais en fait je suis le seul représentant à y travailler - et 1 pour Vivre en Tarentaise.

Le calendrier des travaux de cette commission, prévu initialement sur 1 an, est passé successivement à 2, puis 3 ans. Ceci en raison de la complexité des problèmes soulevés : par exemple la définition des besoins du département en capacités d’incinération ou en capacités des centres de stockage des déchets dits ultimes (déchets banals, déchets inertes du BTP), la valorisation des déchets, boues de STEP, compostage individuel, emballages...

J'y dénonce systématiquement le recours au "tout incinération", pour demander une politique volontariste de tri sélectif -entre autres solutions de gestion des déchets- et demande l’application stricte des directives gouvernementales, françaises et surtout européennes : pendant les années 2000, après l'avoir longtemps ajournée, la France doit enfin appliquer la réglementation européenne (directive 2000/76/CE du 4-12-2000), mais avec des délais supplémentaires de mise en oeuvre.

Mais je ne suis guère entendu des services de l'Etat, et la majorité des élus ne sont pas favorables à ces propositions. J'ai souvent déploré que les travaux de la commission soient pratiquement ignorés du grand public : ce n'est pourtant pas faute d'avoir tenté d'y intéresser les medias, et notamment la presse locale, mais ils se contentaient le plus souvent d’interviewer des élus sur la collecte sélective des ménages.

Je poursuis donc toujours le même scénario et le même objectif : sensibiliser les élus locaux à l'impérieuse nécessité de définir les pollutions, et notamment les niveaux de pollution par les PCDD-F (dioxines et furannes).


Je donne à lire notamment le courrier au SIMIGEDA de janvier 2000 (PDF) : je lui rappelle une nouvelle fois la réglementation, et demande la mise aux normes de l'incinérateur de Gilly-sur-Isère. Je n'aurai pas de réponse de la part du SIMIGEDA.

Je rappelle ici que le comité syndical du SIMIGEDA est composé de plusieurs dizaines d'élus : un président, des vice-présidents, et des délégués titulaires.

Certains de ces derniers étaient en outre membres exécutifs du bureau, comme le maire de Grignon depuis 1995.

En revanche les associations obtiendront en février 2000 du comité syndical la création d'une Commission Locale d’Information et de Surveillance (CLIS), où peuvent figurer des représentants associatifs. Les CLIS ne sont pas obligatoires pour les UIOM de capacité inférieures à 6 t/h, mais le préfet, ou le maire d'une commune proche, pouvaient la demander.


Année 2001

En avril 2001 : je relance le SIMIGEDA par courrier, en lui répétant que l'UIOM n'est pas conforme à la réglementation (rejets atmosphériques et mâchefers), et lui demandant une "décontamination du site de Gilly-sur-Isère", particulièrement pollué par la première unité d'incinération sur le site.

Premier semestre 2001 : J'accepte d'aider des Militants des Verts à tenir des réunions publiques sur "la dioxine": voir mon intervention à la Réunion Publique des Verts de mai 2001 (PDF)


A cette époque, je résume ainsi la situation aux associations du Collectif Associatif de Savoie :

"...Cas-pilote du SIMIGEDA (50 communes,65 000 habitants): La décision finale concernant l’UIOM de Gilly serait prévue à la rentrée de septembre, tranchant entre l’alternative :

  • soit une simple "mise aux normes" de l’unité actuelle
  • soit son remplacement par une nouvelle unité."

En juin 2001 : Toujours par souci de faire parvenir l'information au grand public, lors de la grande fête éco-citoyenne du Fort de Tamié (belle organisation par une vingtaine d'associations, et grand succès populaire avec près de 5000 personnes), je distribue avec les associations du CAS des tracts appelant les citoyens à se mobiliser contre la construction par le SIMIGEDA d'un nouveau four à Gilly-sur-Isère (coût de l’investissement : 100 millions de francs), et pour la mise aux normes d'urgence du four actuel (coût de l’investissement : 20 millions de francs).

En juin et octobre 2001 : Devant l'inertie du SIMIGEDA, l'exploitant de l'UIOM, NOVERGIE, décide de faire analyser des prélèvements de fumées. Les résultats en PCDD/F sont extrêmement et anormalement élevés :

  • La première analyse, en juin 2001, indiquait 1285 ng.ITEQ/Nm3 (voir mon commentaire plus bas). Devant l'énormité du résultat, Novergie décide de se taire et de faire procéder à une deuxième analyse :
  • cette seconde analyse, en octobre 2001, accusait cette fois-ci 75 ng.ITEQ/Nm3 - dans la fourchette de pollution la plus élevée connue à ce jour de l’ensemble du parc français d’usines d’incinération. NOVERGIE a donné aux pouvoirs publics ce chiffre, qui pouvait donc être considéré comme crédible, et qui a été suffisant pour conduire le préfet à faire suspendre l'activité de l'incinérateur le 25 octobre. RAPPEL : la réglementation européenne est de 0,1 ng.

Le chiffre de 1285 ng.ITEQ/Nm3 a provoqué plus tard de nombreuses polémiques, par son énormité et le fait qu'il n'avait pas été dévoilé.

En ce qui me concerne, je pense que le chiffre de 1285 ng.ITEQ/Nm3 peut s'expliquer par le dysfonctionnement de l'électrofiltre : voir à ce sujet mes notes sur ces analyses des fumées de juin 2001 dans le courrier du sous-préfet responsable du pôle de compétences dioxines, de septembre 2003.

Je reviendrai sur cette question des fumées et du dysfonctionnement dans le VOLET JUDICIAIRE.

Je pense qu'il y a une CONFUSION, qu'il faudrait rapidement voir levée, entre

  • D'une part ces analyses de FUMEES décidées et réalisées par la société exploitante NOVERGIE, qui ont été déterminantes dans la décision des autorités de suspendre le fonctionnement de l'UIOM le 25 octobre,
  • D'autre part des analyses effectuées et payées finalement par le propriétaire, le SIMIGEDA, à des dates que je ne connais pas, et qui seraient des analyses de sol (et de végétaux ?). Ce sont ces analyses-là qui sont souvent évoquées dans les médias et par les études parues sur le sujet, analyses dont il est toujours précisé qu'elles auraient été demandées par le maire de Grignon. Je me suis interrogé personnellement sur l'aspect "politicien" de cette opération (certaines études parleront de "période préelectorale"), en tout cas il me faut rappeler que le maire de Grignon, délégué du SIMIGEDA, a été sourd à nos appels toutes ces années passées dans l'affaire de Gilly-sur-Isère. Même s'il a proposé au final des analyses en 2001. J'y reviendrai plus loin car c'est important. L'évocation de ces analyses, toujours mélangées aux résultats des dosages de fumées de NOVERGIE, rendent les faits réels incompréhensibles.

A ce sujet, ayant entendu dire à l'époque qu'on lançait des opérations d'analyses, j'avais demandé au SIMIGEDA de faire effectuer non seulement des analyses de lait à proximité du site (ce qui était prévu dans son protocole initial) mais surtout des analyses des fumées de l’incinérateur en sortie de cheminée (ce qui n’était pas prévu).

Voir mon courrier, pour le CATBA, au SIMIGEDA de juillet 2001 (PDF), et la réponse du SIMIGEDA de juillet 2001 (PDF).

Compte tenu de l'importance que revêt ce sujet des analyses dans la décision ultérieure des autorités de suspendre le fonctionnement de l'UIOM de Gilly-sur-Isère, il est indispensable que nous sachions enfin clairement ce qu'il en est réellement : quelles analyses ont été réalisées, par qui, à quelles dates précises, et quels en ont été les résultats, rendus à quelles dates...Cette confusion systématiquement entretenue jusqu'à présent ne justifierait-elle pas une enquête complémentaire ?


29 juin 2001 : je quitte la présidence de Bien Vivre à Grignon pour me consacrer à mes autres travaux sur les déchets (FRAPNA, Commission de révision du PDED), mais je reste coordinateur des Collectifs Associatifs CAS (jusqu'en décembre) et CATBA (jusqu'en 2002). Je renvoie au Volet judiciaire suivant en ce qui concerne l'épisode de mon successeur à la présidence de l'association.

25 octobre 2001 : L'ACTIVITE DE L’UIOM de Gilly-sur-Isère EST SUSPENDUE sine die PAR ARRETE PREFECTORAL, signé par le préfet de Savoie, Paul Girot de Langlade.

Je ne reviens pas sur le drame dont les médias ont amplement parlé, jusqu'au niveau national : les centaines d'exploitations agricoles touchées, l'abattage de milliers de têtes de bétail, le foin détruit car reconnu contaminé, menaçant même un temps la réputation du fromage de Beaufort, les tonnes de lait et de fromages détruits, la population désemparée. Autant je suis alors satisfait de voir que le scandale des pollutions est enfin dévoilé, et que l'on donne la parole à la population, autant je suis désolé de constater :

  • Concernant le traitement médiatique de ce qui est désormais le "scandale de la dioxine", la grande majorité des articles développent quasi exclusivement l'affaire sur un mode un peu "sensationnel". Certes, l'affaire est suffisamment dramatique pour mériter les Unes, qui soulignent avec raison l’inquiétude de la population et sa soif de vérité. Mais cela n'aurait pas dû empêcher, en parallèle, un traitement sérieux des antécédents de cette affaire, comme j'essaie de les relater ici. Je réponds pourtant les semaines qui suivent à un certain nombre d'interviews, mais globalement : que deviennent-elles ? Même l'émission d'Envoyé Spécial ne rend pas compte objectivement de la réalité de mon travail réalisé dans le cadre des associations Bien Vivre à Grignon, FRAPNA, Collectifs, et si un journaliste évoque à l'émission Arrêt sur Images des pressions (ou de l'auto-censure? mais je ne crois pas que le terme ait été prononcé), il ne va pas au bout de son investigation...
  • De même, j'assiste, plutôt sidéré, aux tentatives de récupération de mes travaux, et de mon inlassable appel au SIMIGEDA, depuis des années, à faire procéder à des analyses et à la décontamination du site. Certains élus du SIMIGEDA qui ont voté ses décisions toutes ces années et sont restés sourds à mes appels, ont non seulement la mémoire courte, mais cherchent à passer pour des sauveurs, ce qui est tout de même un comble ! Voir notamment dans le Volet judiciaire suivant, mes remarques sur le rôle du maire de Grignon.

Plus encore que du regret d'un manque de reconnaissance de mon combat associatif acharné, je regrette que la réalité des faits n'ait pas été établie, alors que l'occasion s'en présentait enfin.


Novembre 2001 : Sous l'autorité du sous-préfet d'Albertville, Josiane Lecrigny, les services préfectoraux font appliquer un plan rigoureux pour lutter essentiellement contre les conséquences de la "pollution dioxine".

" L'affaire de la dioxine" ne freine pas la poursuite de mes travaux de sensibilisation sur les déchets, au contraire. Me voilà conforté dans mes objectifs. J'écris au nom du collectif CATBA une "POSITION EN SEPT POINTS", qui sera lue, notamment, à la commission consultative du plan départemental de gestion des déchets, et envoyée à la DRIRE :

  • Nous approuvons ces mesures [gel des produits agricoles par les Pouvoirs Publics] sous réserve du suivi des produits.
  • Nous réclamons à nouveau la dépollution du site,
  • la mise aux normes de l'incinérateur,
  • ou son remplacement par une nouvelle unité de traitement qui prenne en compte : le choix de la technologie de traitement (incinération, lit fluidisé, thermolyse, etc...) et de la capacité de traitement (inférieure à celle de l’usine précédente grâce à la valorisation organique des boues des stations d’épuration - épandage, compostage, méthanisation -, et à l’augmentation du tri des déchets à la source au delà des seuls contrats ECO-Emballages, pour la valorisation- matière et organique),
  • le choix du site d’implantation de cette nouvelle unité après délibération de chacun des conseils municipaux des 50 communes concernées,
  • les décisions à prendre à court terme sur le sort des déchets du territoire du SIMIGEDA pendant les 4 à 5 ans précédant le démarrage de la nouvelle usine,
  • la recherche des responsabilités concernant la gestion locale des déchets qui a conduit à la grave crise actuelle, à la fois écologique et économique. Gestion que dénonce le Collectif Associatif depuis plusieurs années.

Le président du SIMIGEDA (Syndicat Intercommunal MIxte de GEstion des Déchets du secteur d'Albertville), propriétaire de l'incinérateur, m'autorise à consulter les archives du Syndicat : J'en tire personnellement la conviction que la plupart des décisions (sinon la totalité ?) y ont été prises à l'unanimité des délégués-titulaires de tous bords politiques (élus de près de 70 000 habitants). Car il ne faut pas l'oublier, et il est regrettable que les médias ne l'aient pas clairement expliqué : les délégués titulaires du Syndicat sont des élus locaux.

Voir mon courrier au Préfet de Savoie de novembre 2001 (PDF), au nom du Collectif Associatif de Savoie, pour lequel je réclame la réunion de la CLIS, et des informations, et la réponse du Préfet de Savoie de novembre 2001 (PDF).

5 et 6 décembre 2001 : voir dans le VOLET JUDICIAIRE l'étude de la plainte FRAPNA, et la création de l'association ACALP

En décembre 2001 : J'écris au Préfet, au nom de la FRAPNA : "(...) En l’état actuel des études, les différents scénarios proposés par le cabinet Trivalor ne nous conviennent pas, parce que tous basés sur l’incinération. C’est pourquoi nous sommes notamment opposés à un doublement des capacités d’incinération de la Savoie, qui hypothéquerait toute une génération. Nous continuons à préconiser un renforcement rapide et ambitieux du tri à la source pour valorisations matière et surtout organique(...)"



LA PERIODE DE DEPOLLUTION DU SITE DE GILLY-SUR-ISERE
(2002 - 2009)


Année 2002

L'affaire judiciaire, avec le dépôt des premières plaintes, et l'ouverture d'une information judiciaire, démarre en 2002. Je la traite dans la rubrique VOLET JUDICIAIRE suivante. Deux remarques importantes tout de même ici :

  • Il faut bien avoir présent à l'esprit qu'en raison du nouveau code de procédure pénale de 1994, les seules pollutions retenues par la Justice sont les pollutions générées par la seconde UIOM de Gilly-sur-Isère du 1er mars 1994 au 25 octobre 2001. Ce qui écarte de fait la période de pollution la plus grave - les 15 années du premier incinérateur (1971-1985)-, ainsi que les 8 premières années du second.
  • Autre élément important à retenir : compte tenu des chefs d'accusation de beaucoup de plaintes (la pollution du milieu n'étant pas retenue), ce sont donc essentiellement les conséquences des rejets dans l'atmosphère qui ont fait l'objet des expertises judiciaires.

Bilan des pollutions du site de Gilly-sur-Isère : personnellement, je retiens surtout les expertises de M. Trepaud, qui, brièvement, conclut que, de 1994 à 2001, l'incinérateur de Gilly-sur-Isère n'a jamais fonctionné en phase avec la réglementation française.

Voir ma tentative de chiffrer l'importance des pollutions de Gilly-sur-Isère, que nous avons tenté de rendre publique lors de la conférence de presse du 30 janvier 2002 (PDF) organisée par la FRAPNA-Savoie à Gilly-sur-Isère, avec invitation des principales organisations ou associations du Collectif associatif de Savoie (CAS). J'y ai rappelé la nécessité de distinguer deux périodes distinctes pour le site de Gilly-sur-Isère, la première (trop souvent oubliée) étant la plus polluante.

Episode Associatif : Ayant quitté la présidence de Bien Vivre à Grignon pour me consacrer à mes autres travaux (coordination des Collectifs associatifs, FRAPNA, Commission de révision du PDED), j'ai la surprise de découvrir une lettre édifiante de mon successeur à Bien Vivre à Grignon, de février 2002 (PDF), adressée aux associations du Collectif : où il nie le rôle de notre association dans les études sur les déchets, et invite carrément les adhérents à rejoindre l'ACALP récemment créée pour les plaintes! J'en parle un peu plus dans la rubrique Volet judiciaire.

Le 8 juillet 2002, après 3 ans et demi de travaux, la commission départementale de révision du 1er plan de janvier 1994, vote à la majorité de ses membres un nouveau Plan Départemental d'Elimination des Déchets ménagers et assimilés (PDED). Les deux représentants des associations n'ont pas fait partie de cette majorité (voir en conclusion).

Les autorités responsables ont décidé, dès juillet 2002, le retour à leur activité normale (d’avant octobre 2001) de toutes les exploitations agricoles situées à l’intérieur du périmètre autoritairement défini dans un rayon de 10 km autour de l’UIOM de Gilly. Je m'interroge sur la pertinence d'une telle décision, alors que des dosages dans le lait auraient indiqué des contaminations bien au delà de cette zone, et compte-tenu de l’exceptionnelle stabilité des PCDD/F dans le temps. Le problème est que les conditions de prélèvement des analyses de lait (les premières indiquaient un pic de 24 pg/g MG) n’ont pas été rendues publiques.

6 septembre 2002 : démission du deuxième président de Bien Vivre à Grignon pour raisons personnelles. Charlot Raymond prendra sa succession.


Année 2003

Le mensuel Capital, dans son n°142 (juillet 2003) donne une liste des 200 sites les plus pollués de France. Le site de Gilly-sur-Isère en fait partie.

Février 2003 : parution de l'étude "A l'opposé du principe de précaution : l'incinérateur de Gilly-sur-Isère" de l'InVS (Institut National de Veille Sanitaire)/ CIRE (Cellule inter-régionale d'épidémiologie de Rhônes-Alpes), par Danielle Salomon.

Document accessible sur Internet : www.risques-intelligence.com/doc/rapport_gilly_ri.pdf

Je salue le travail de Mme Salomon, qui a réalisé une analyse pertinente et documentée, première étude sérieuse qu'il m'a été donnée de lire sur cette affaire longue et complexe. Maintenant, étant donné ma connaissance du sujet, je ne suis pas d'accord avec tout ce qui est dit. Surtout, le terme flou "les associations", très employé, me semble un peu léger (voir la page d'accueil), et apporte une confusion (d'autant plus gênante qu'elle est déjà largement entretenue par la majorité des médias) avec celles créées après 2001, comme l'ACALP (dont je ne minimise pas le rôle après la fermeture de l'incinérateur) dont j'aurais aimé lire le lien de ses dirigeants avec les Verts politiques. De même, j'aurais aimé voir d'avantage démontré le rôle des élus au SIMIGEDA(voir plus haut), parmi lesquels le maire de Grignon, évoqué pour les analyses de 2001(voir plus haut la confusion sur les analyses).

Il me faudrait commenter point par point cette étude, et je pense revenir ici sur ce qui m'importe le plus.

1er Juillet 2003 : je donne ma démission du Conseil d'Administration de la FRAPNA-Savoie (voir le Volet Judiciaire)

Octobre 2003 : parution de l' étude "Impact du risque technologique sur la stabilité institutionnelle d’un système organisationnel; le rôle de l’incinération dans la gestion des déchets ménagers et assimilés", par Dominique Bourg (CREIDD-UTT), Nicolas Buclet (CREIDD-UTT), Laurent Gilotte (CIRED-SMASH), Rapport final pour le Ministère de l’Ecologie et du Développement Durable (Programme "Evaluation et Prise en Compte des Risques Naturels et Technologiques").

Document (jusqu'à présent) accessible sur Internet : www.ecologie.gouv.fr/IMG/pdf/Buclet.pdf

Cette étude analyse le rôle de l'incinération en France et sa "mauvaise acceptabilité sociale", en confrontant le modèle français à d'autres situations européennes. Le cas de Gilly-sur-Isère est cité comme le " plus important et le plus spectaculaire en France de pollution aux dioxines". J'ai apprécié le constat d'une faible mise en oeuvre de la réglementation, du manque de concertation lié à des collectivités locales plutôt hermétiques aux demandes de dialogue et de concertation de la part des associations de défense de l’environnement... Mais là encore, mêmes remarques sur le terme trop flou "des associations", là encore la citation du rôle de certains acteurs dans l'affaire me surprend, comme la désormais classique attribution des analyses décisives de 2001 aux maires, dont j'aurais aimé qu'elle soit alors accompagnée de commentaires.


Année 2004

Je témoigne devant le juge d'instruction : voir le VOLET JUDICIAIRE

Je suis président par intérim de Bien Vivre à Grignon

Août 2004 : parution de l' étude "When responsibility issue contributes to the politicisation of socio-technical controversy and mobilisation" ("When socio-technical controversies challenge the role of responsibility in democracy"), Conférence de l'Ecole des Mines, Paris (EASST/4S Conference « Public Proofs – Science, Technology and Democracy), par Gérald Assouline (Institut d'Etudes Politiques de Grenoble) et Nathalie Trussard (Université Libre de Bruxelles).

On télécharge ce document sur Internet : www.csi.ensmp.fr, et rechercher "incineration"

J'y ai trouvé avec intérêt un lien entre les médias et l'ACALP, association largement citée, mais il aurait mérité d'être développé. Mais décidément pas grand chose sur l'historique de l'affaire telle que je l'ai vécue, toujours la même remarque sur le flou donné au mot des "associations", et je n'ai rien lu sur la FRAPNA ni les collectifs, beaucoup de flou qui me semble nuire là encore à l'établissement de la vérité.

Automne 2004 ; parution de l'étude de la Commission Européenne "Analysing Public Accountability Procedures in Contemporary European Contexts (EU RESEARCH ON SOCIAL SCIENCES AND HUMANITIES), étude qui prend plusieurs exemples en Union Européenne de mobilisation de citoyens sur des affaires publiques significatives, et dont le participant pour la France est le professeur Gérald Assouline, qui prend le cas de l'UIOM de Gilly-sur-Isère.

J'ai lu cette étude sur le site Internet Cordis Europa.eu, ou avec les mots clés "Bien Vivre à Grignon" et "waste incineration"

M. Assouline parle de l'émergence de l'ACALP en 2001 et de son lien avec les médias, rappelle l'historique de Bien Vivre à Grignon dans les années 90; Il note que les autorités ne considèrent comme légitimes que les grandes fédérations nationales, au détriment des associations locales; Il souligne très justement la faible couverture médiatique des années 1998-99, les associations (sic) devant rendre publiques leurs arguments essentiellement lors de conférences de presse...ce que je confirme!.

Elections cantonales de 2004 : le bureau de l'association Bien Vivre à Grignon tente en vain d'attirer l'attention de la population sur la crédibilité comme candidat du maire de Grignon : il sera élu conseiller général d'Albertville-sud, succédant au maire d'Albertville, Albert Gibello. Lire notre tract (PDF) rappelant son rôle dans l'affaire de l'incinérateur de Gilly-sur-Isère (à ce sujet, je vous renvoie également à l'année 2001, et au VOLET JUDICIAIRE). Des opposants à ce candidat en ont évidemment profité en lançant ensuite leur propre tract, où la récupération politique était manifeste, mais les faits relatés étaient, eux, incontournables.


Année 2005

Je suis encore cette année président par intérim de Bien Vivre à Grignon

Je continue à travailler sur la question des déchets, notamment l'étude du traitement thermique des déchets : voir la rubrique correspondante.


Année 2006

Novembre 2006 : En vue de la réhabilitation du site, voir ma lettre ouverte au SIMIGEDA "La dépollution du site de l’incinérateur de Gilly–Albertville" (PDF), avec copies aux entités publiques, du ministre de l'Ecologie et du Développement Durable, aux autorités régionales et départementales.
Le 1er paragraphe de ce document couvre une première période de pollution jusqu'à 1992. Il conclut notamment à un total de résidus solides d’incinération de 65 000 tonnes (soit 43 000 m3), composé d’un mélange de mâchefers et de cendres volantes, à stocker en CET/1 (produits dangereux).


Année 2007

Je découvre et étudie la base de données BASOL du Ministère de l'Ecologie et du Développement Durable, concernant le site de l'UIOM de Gilly-sur-Isère ( (PDF) référencé n°61; Catégorie 1; date de la référence : 14 décembre 2007)


Années 2008-9

Le SIMIGEDA est autorisé à appliquer son programme de réhabilitation du site de l'UIOM de Gilly-sur-Isère, avec démantèlement de l'usine

En comparaison avec les réactions de 2001 à "l'affaire de la dioxine", provoquée par la fermeture de l'UIOM de Gilly-sur-Isère, aux répercussions nationales sans précédent, le démantèlement du site et toutes les questions liées à sa dépollution, sont peu évoqués par les médias locaux, ou par les associations qui s'étaient mobilisées en 2001. On a le sentiment d'un engourdissement, et pourtant quand on se réfère aux débats sur les dioxines, leur impact sur l'environnement, leur durée de vie, ce sujet sensible n'aurait pas dû rester sans commentaires ni interrogations.

Ainsi le sujet du foin, reconnu contaminé en 2001, et interdit d'utilisation , stocké fin 2001, avait fait beaucoup parler de lui - on avait relaté des incendies... - : 9000 tonnes de foin contaminé ont été stockés en divers endroits. Il faut savoir que ce qui en est resté a été utilisé en 2008 – 2009 par le SIMIGEDA dans le cadre de cette "réhabilitation" du site de Gilly-sur-Isère.

Voir l'article de l'hebdomadaire La Savoie, qui a bien voulu me donner la parole : article sur la réhabilitation du site - janvier 2008 (PDF). J'y rappelle notamment l'étude géologique du Pr Rampnoux datant de 1994.

J'écris notamment au Préfet de Savoie sur cette réhabilitation du site : "Je suis ce dossier depuis les années 1990 et je suis étonné que tant de zones d’ombre persistent encore dans ce projet (...) J’ai l’impression que dans ce projet se mêlent à la fois des contraintes d’application du P.P.R.I (Plan de Prévention du Risque Inondation) et une inquiétude latente d’avoir à suivre les obligations réglementaires européennes de la constitution d’un Centre d’Enfouissement Technique de classe I (Produits Dangereux)"


Année 2010

Dissolution du SIMIGEDA au 1er janvier 2010. On ne peut pas dire qu'on en entende beaucoup parler non plus localement. Quelles solutions optées par les Collectivités ? Pour quel coût?



Pour conclure sur cette réhabilitation, je continue à la considérer comme économiquement supportable, certes, mais tout à fait contestable d'un point de vue environnemental.


Pour résumer les pollutions générées sur le même site de Gilly-sur-Isère:

  • La période la plus polluante (1ère UIOM 1971-1985) est caractérisée par
    • pas de filtre des poussières émises (filtrage incomplet par simple cyclone)
    • pas de séparation des mâchefers - cendres volantes
    • une non-évacuation des déchets ultimes (cendres volantes et mâchefers), laissés sur place.
  • La période considérée comme la moins polluante (2ème UIOM 1986-2001) est caractérisée par
    • un filtrage des poussières à priori assuré (électrofiltre datant de 1985 ou 1993?). Mais son fonctionnement permanent reste un sujet à controverse grave, qui suscite des interrogations sans réponse à ce jour : voir à ce sujet la RUBRIQUE JUDICIAIRE
    • Un stockage des REFIOM en CET/1
    • Une gestion des mâchefers partiellement, et plus ou moins correcte (maturation puis sélection des mâchefers aptes à être utilisés en technique routière). Mais aucune trace de stockage réglementaire en CET/2 pour les mâchefers résiduels après la sélection précitée - donc laissés sur place.

Le principe de précaution

Le principe de précaution n'est utilisable que s'il est associé à la notion de seuils (réglementation des limites imposées à chaque famille de micropolluants toxiques pour tout rejet dans le milieu - dans l'air, le sol, et dans l'eau-)

L'exemple des dioxines et des furannes est édifiant dans ce domaine, et il peut servir d'exemple pour le futur : il entre de plein pied dans le monde de l'infiniment petit, alors qu'auparavant les réglementations ne dépassaient pas le milligramme par m3 de fumées. En février 1997, la circulaire Lepage a introduit en France la notion, déjà appliquée par des pays voisins, d'un seuil de rejets dans l'air de 0,1 nanogramme par m3 de fumées d'UIOM. En mars 1998, la circulaire Voynet a enfoncé le clou sur un objectif national de 50% du total des déchets assignés à la collecte sélective, au tri, à la réutilisation, au traitement des matières fermentescibles, au stockage définitif en CET...L'objectif final étant de ne pas incinérer plus de 50% des déchets ménagers.

Toutes les conditions de la directive européenne 2000/76/CE sont maintenant strictement appliquées par la France depuis seulement 2005.

Les associations comme lanceurs d'alerte

Pour conclure, les bénévoles associatifs dont je suis mesurent aujourd'hui combien il est difficile dans les faits de faire appliquer le principe de précaution par les responsables et les élus. Même quand nous donnons la preuve de compétences pointues sur le sujet, en agissant au nom d'associations de défense de l'environnement reconnues, en fédérant d'autres nombreuses associations, en participant aux travaux des commissions officielles...

L'affaire "de la dioxine de l'incinérateur de Gilly-sur-Isère" a provoqué à l'arrêt du fonctionnement de l'usine un scandale national, eu un retentissement exceptionnel, et elle est devenu un cas emblématique de crise majeure dans le domaine des pollutions en France.

A-t-elle pour autant fait évoluer le regard des autorités sur les associations, et la nécessité de les reconnaître enfin comme des "lanceurs d'alerte" ?

Le traitement de l'affaire jusqu'à aujourd'hui me rend plutôt pessimiste là-dessus. J'espère que ces pages pourront y aider.

La pollution du milieu et la mise en danger d'autrui

Quand le principe de précaution n'a pas été appliqué, et une fois les pollutions constatées, les citoyens n'ont plus d'autre choix que de se tourner vers la Justice.

Nous sommes en attente du procès devant le Tribunal Correctionnel. D'ores et déjà, l'existence d'une prescription judiciaire a éclipsé les années les plus polluantes de l'incinérateur de Gilly-sur-Isère, et la Justice n'a pas retenu les qualifications de pollution du milieu et de mise en danger d'autrui. Je renvoie aux commentaires sur l'affaire judiciaire en cours.

La Commission de révision du Plan Départemental d'Elimination des Déchets Ménagers et Assimilés (1998-2002)

sous la présidence de deux préfets successifs;

Elle était alors composée de 39 membres nommément désignés, dont

  • 18 élus des collectivités territoriales
  • 5 représentants d'associations agréées pour la protection de l'environnement :
    • 4 représentants de la FRAPNA-Savoie (dont 3 n'y ont jamais participé)
    • 1 représentant de Vivre en Tarentaise

Le premier Plan Départemental de 1994 a ainsi été révisé en 2002, et a fait l'objet d'un vote. Il a été voté à une large majorité, et s'applique donc réglementairement en Savoie depuis cette date.

Lors d'un vote surprise, le président de Vivre en Tarentaise s'est abstenu, et, en ce qui me concerne, en tant que représentant de la FRAPNA-Savoie et du CAS, j'ai voté contre, essentiellement pour la définition des besoins de la Savoie en matière de capacité d'incinération trop élevée (de l'ordre de 200 000 t/an).

Aujourd'hui, les faits, huit ans après, semblent nous donner raison :

  • Il n'y a plus que 3 UIOM en Savoie (une à Chambéry, deux en Tarentaise), représentant une capacité totale d'environ 140 000 t/an. Abstraction faite de l'UIOM proche de Pontcharra en Isère, la différence de capacité de la Savoie semble correspondre au projet de nouvel incinérateur de 60 000 t du SIMIGEDA

Quant aux réalisations sur le terrain des objectifs de ce deuxième Plan, les questions pleuvent :

  • Combien de centres de traitement des déchets fermentescibles (STEP comprises)?
  • Combien de centres de tri des déchets composites multimatériaux ?
  • Combien de centres d'enfouissement technique de classe 2 ?
  • Combien de centres d'enfouissement technique de classe 3 ?

L'exemple de la Savoie (connue comme le premier département ayant établi un Plan d'Elimination des Déchets) souligne bien, pour de telles instances, la nécessité d'une présence active et constante d'associations agréées pour la protection - et donc la défense - de l'Environnement, si possible politiquement neutres et indépendantes, et surtout aptes à faire le travail.

Pierre Ivanès

retour vers le haut

retour vers la page d'accueil

Dernière mise à jour 27 octobre 2010